De Briançon à Turin
Il existe, principalement, deux voies de pèlerinage traversant la France en direction de Rome. La plus connue est celle au départ de Canterbury empruntée par l’archevêque Sigéric pour recevoir à Rome son pallium des mains du pape (bleue). Une autre voie relie Rome à St Jacques de Compostelle par le sud de la France (rouge).
La voie reliant St Jacques de Compostelle à Rome traverse les Alpes en suivant la vallée de la Suse passant successivement, à partir de Briançon, par Montgenèvre, Cesana, Oulx, Susa, Rivoli et Turin.
Dans les paragraphes ci-dessous, des informations ont été extraites des guides « Le chemin de Rome, la Via Francigena » par Jean Yves Grégoire et « Via Francigena 2 – Valle di Susa » de l’office de Tourisme de Turin ainsi qu’à Wikipedia.
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Briançon – Située dans le département des Hautes Alpes, la ville était autrefois rattachée au Dauphiné. La ville comprend de nombreuses fortifications conçues par Vauban sous le règne de Louis XIV et érigées parfois après sa mort : La Redoute de la Salette, le fort des trois Têtes, le fort du Randouillet, l’ouvrage de la Communication Y et le pont d’Asfeld. Ces ouvrages font partie d’un ensemble de douze sites sur le territoire français que l’on doit à Vauban (Besançon, St Martin de Ré, Blaye, etc.). La ville est découpée en deux parties : la ville basse située à 1 250 m d’altitude et la ville haute (Photo ci-contre) construite à l’intérieur de la forteresse principale située à 1 326 m d’altitude.
Le patrimoine religieux est principalement constitué de l’église Notre Dame et St Nicolas (ancienne collégiale construite de 1705 à 1718 – Photo ci-dessus), la chapelle des Pénitents noirs, l’église des Cordeliers et le couvent des Récollets (ordre mendiant de droit pontifical). Le patrimoine civil comprend la fontaine des Soupirs (Photo ci-contre) située dans la Grande Gargouille (rue principale comprenant une canalisation à ciel ouvert), les façades et toitures de la maison du Temple, un ensemble de cadrans solaires sur les façades des bâtiments publics et maisons particulières ainsi que la maison du Pape (1635).
Briançon (1 326 m) à Cesana (1 150 m) – 27 km – Montée totale 1 100 m
L’itinéraire emprunte sensiblement la voie romaine, la Via Domitia, qui reliait autrefois Briançon à Turin. Sans hébergement, en cette saison, à Montgenèvre comme à Clavière (communes situées de part et d’autre de la frontière franco italienne), il a fallu prolonger l’étape jusqu’à Cesana. Dès la sortie de Briançon, franchissement du vertigineux pont d’Asfeld (65 m au-dessus de la Durance – conception par l’Ingénieur allemand Asfeld – Photo ci-contre) avant de crapahuter sous les mélèzes et au milieu des gentianes durant 11 km (départ de la ville basse). Au cours de la montée, on peut apercevoir les nombreux forts surplombant Briançon et le mont Chaberton (3 031 m).
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Le col de Montgenèvre (1 840 m) est facilement franchi en cette période de l’année. Dans la station de sports d’hiver, de nombreux chalets (vides), l’église St Maurice (le clocher comporte un fanal qui servait autrefois à diriger les voyageurs égarés dans le brouillard) et la chapelle Ste Anne des Sept – Douleurs (Coquille St Jacques au-dessus de l’entrée). Jules César aurait franchi les Alpes en cet endroit en 58 avant J.C. Une courte descente permet de rejoindre Clavière où l’on peut voir une église avec une fresque. Monter jusqu’au col de la Sagna longa (2 000 m – Photo ci-contre) permet d’éviter la SS24 particulièrement dangereuse pour les randonneurs. La descente jusqu’à Cesana Torinese est particulièrement raide L’église de Cesana est de type montagnard flanquée d’un campanile roman.
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Cesana à Oulx (1 070 m) – 15 km – Montée totale : 300 m
La longueur de l’étape jusqu’à Oulx est relativement courte compte tenu de l’allongement de l’étape de la veille. Les noms des villages traversés ont une sonorité française : Mollières, Oulx (Photo ci-contre), cette vallée italienne ayant longtemps appartenue à la maison de Savoie. Nos pas foulent le Sentiero dei Franchi ou sentier des Francs. Bien avant les pèlerins médiévaux, cette trace vit passer l’armée de Charlemagne qui remonta la vallée de la Suse (Susa) avant de franchir le Mont Cenis et se diriger vers l’Espagne pour combattre les Sarrasins. De Mollières à Solomiac (vieux chalets traditionnels) on évite la SS24 au prix d’un chemin montagnard montant puis descendant fortement en fin de parcours.
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La cité d’Oulx attira l’attention des Romains par sa position stratégique pour en faire un camp militaire. Par la suite, les Goths, les Huns, les Lombards et les Francs s’emparèrent tour à tour de ce lieu. La ville d’Oulx est fortement associée à la famille des Ambrois en particulier Francesco Luigi qui occupa de très nombreux postes, entre autres, député, ministre, juriste, soldat (bataille de Custoza), diplomate (guerre entre Autriche et France) et conseiller du roi Victor Emmanuel II. A signaler à Oulx, la tour moyenâgeuse Delfinale (Photo ci-contre).
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Oulx à Susa (520 m) – 32 km – Montée totale : 600 m
Pour la première partie de l’étape, c.a.d. jusqu’à Exiles deux chemins s’offrent aux pèlerins en dehors de la SS24 : le Sentiero dei Franchi et le Parco Naturale Gran Bosco Di Sabeltrand particulièrement agréable mais très vallonné (altitude variant entre 1 000 m et 1 200 m). En sortie du parc, une longue descente sinueuse avant d’arriver à Exilles (870 m), un très beau village du Piémont doté d’une architecture traditionnelle (pierre et bois), dominé à l’est par un fort colossal. Cette vallée a de tout temps constitué une voie de passage stratégique, d’Hannibal à Mussolini en passant par les guerres napoléoniennes. De Exiles à Susa, il faut malheureusement à nouveau emprunter la SS24. A Chiomonte (750 m) un beau village avec la belle église Ste Maria Assunta flanquée d’un clocher roman. Le centre historique est un joyau de cours, de portiques, de ruelles et d’anciens palais nobles comme la Maison Ronsil et le Palais Levis.
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L’histoire millénaire de Susa se lit dans l’arc d’Auguste érigé en l’an 8 avant J.C., l’arène romaine, les remparts, la Porta Savoia (Photo ci-contre), les fouilles archéologiques et le château d’Adélaide de Savoie. La cathédrale Saint Giusto et l’imposant clocher sont le résultat d’un complexe architectural qui s’est développé de 1 029 (Année de la fondation de l’abbaye bénédictine) aux interventions gothiques et néogothiques entre le 13ème et le 19ème. A l’intérieur, de précieuse peintures, de riches autels et le chœur en bois du 14ème. Non loin de là le clocher roman de l’ancien prieuré de Ste Maria Maggiore, l’église et le couvent San Francesco (construit par St François d’Assise) et l’église baroque de N.D. de la Paix. A noter, à Suse, la très agréable place centrale.
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Susa à Chiusa San Michele (377 m) – 30 km – Montée totale : 300 m
L’essentiel de l’étape s’accomplit sur le bitume mais en empruntant de petites routes tranquilles reliant les villages dont Bussoleno, Bruzolo, Borgone Susa, San Didero et San Antonio di Susa. Le tracé suivi correspondrait à celui de l’ancienne Via Domatia que suivaient les pèlerins médiévaux. Le chemin, également appelé la Via Antica di Francia, est jalonné de jolies chapelles rustiques ou d’églises romanes aux façades peintes de couleurs chaudes décorées souvent de cadrans solaires. Entre les villages, les champs de vignes alternent avec les vergers et les potagers.
A quelque distance de San Antonio di Susa, notre regard se porte en hauteur vers la Sacra de San Michele. Cette abbaye médiévale (construite vers l’an 985) aux allures de forteresse rappelle le Mont St Michel en France, pas seulement en raison de son nom mais aussi par sa configuration générale. A partir du village de Chiusa di Susa, un sentier muletier permet de grimper en moins de deux heures jusqu’à l’abbaye située à 936 m sur le mont Pirchiriano. L’abbaye Sacra de San Michele est un monument symbolique du Piémont et une destination séculaire de pèlerinage international : la Loggia des Viretti, l’Escalier des Morts, le Portail du Zodiaque, la fresque de l’Assomption de la vierge, les panneaux du triptyque du 16ème et les retables d’Antonio Maria Viani sont parmi les éléments qui le distinguent.
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Chiusa San Michele à Rivoli (m) – 23 km – Montée totale : 330 m
Sur le chemin, la ville d’Avigliana présente plusieurs points d’intérêt (Photo ci-contre). De 1872 à 1965, la ville a abrité une importante usine de fabrication d’explosifs expliquant la présence du Musée de l’Usine de dynamite Nobel. Une longue montée mène au centre historique où l’on peut découvrir la Porta Ferrata, la Maison du Bienheureux Umberto (ancien hôpital), les maisons médiévales de la Piazetta Santa Marta. Au loin, le château Arduinic du 10ème. A noter encore l’église Saint Giovanni du 12ème (chaire en bois du 16ème), la Tour de l’Horloge construite en 1 330, le sanctuaire de la Madonna del Laghi du 17ème et autres églises.
Arrivée à l’abbaye San Antonio du Ranverso fondée à la fin du 12ème par Umberto III de Savoie qui confia la construction à des moines antonins français. Elle présente une belle architecture gothique faite de briques et de terre cuite (Photo ci-contre). Un cloître a été construit en face de l’église vers l’an 1 400 dans le même esprit architectural. La ville de Rivoli est atteinte après la traversée de Rosa.
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Rivoli à Turin (240 m) – 16 km
Le nom de Rivoli évoque la victoire de Napoléon en 1797 sur les autrichiens (Confusion du guide avec Rivoli Veronese ?). La ville est connue, en particulier, pour son château qui était la résidence de la maison de Savoie (Photo ci-contre). Aujourd’hui, le château héberge le musée d’Art contemporain, un des plus importants d’Italie. La ville dévoile un riche passé : la Maison du Conte Verde du 14ème, l’église de Santa Croche du 17ème, le Palais Piozzo Rosignano construit en 1788 pour le Chancelier du Grand Prieuré de l’Ordre de Malte et la Tour de la Filature. La marche de Rivoli à Turin s’effectue sur le Corso Francia, une très longue avenue (plus de 10 km) rectiligne reliant les deux villes. Sur cette avenue quelques édifices présentant une architecture particulière.
Turin
Fondée par les Celtes, la ville devint un carrefour routier et un castrum important à l’époque romaine par sa position à l’extrémité du Pô et au débouché des vallées alpines. Après la période carolingienne, Turin passa sous l’autorité de la maison de Savoie. Au 18ème, le roi Charles – Emmanuel donna à la ville son visage actuel avec des rues reprenant le quadrillage du castrum romain et ses façades classiques.
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Les principaux édifices et places de Turin sont distribués de part et d’autre de la Via Roma qui s’étend de la gare principale Porta Nuova aux jardins royaux avec successivement les places San Carlo (point névralgique de la ville avec au centre la statue équestre d’Emmanuel Philibert, duc de Savoie), Castello et Royale. A l’ouest des jardins royaux, la place de la République et la porte Palatine. A l’est la Mole Aontonelliana, une tour haute de 167 m, construite à l’origine pour servir de synagogue et maintenant un musée du cinéma. Au sud – est, la Via Pô qui se termine par la très grande place Vittorio Veneto en bordure du Pô avec en face l’église de la Gran Madre di Dio. Cette place est l’une des plus grandes d’Europe (31 000 m2). Plus au sud et en bordure du Pô, le Parco Valentino sur lequel a été construit le château de Valentino (Photo ci-contre) un château combinant le baroque et l’architecture des châteaux français. Autres palais : le palais royal construit au 17ème pour la maison de Savoie ainsi que le palais Madame, le palais Carignan et le palais Benso di Cavour tous les trois d’architecture baroque
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La cathédrale San Giovanni (Photo ci-contre) est une construction Renaissance de la fin du 15ème. Le sanctuaire doit principalement sa célébrité à la Cappella della Santa Sidone, la chapelle du Saint Suaire (toile de lin rapportée de Jérusalem au 15ème qui aurait enveloppé le corps du Christ. Cette hypothèse est contestée par les récents rapports scientifiques). L’église San Lorenzo (près de la place Castello) de forme octogonale et de facture baroque est l’ancienne chapelle royale. Bien d’autres églises présentant un certain intérêt : Les églises San Carlo (construction 1619), Santa Cristina (1639, beau maître autel en marbre blanc), Santissima Trinita (1598 à 1606, fresques de la coupole), San Domenico (13ème siècle, fresques du 14ème), la basilique sanctuaire de la Consolata (clocher roman de l’an 1 000, à l’intérieur très grande richesse baroque, splendide coupole centrale ainsi que dans les quatre chapelles adjacentes). Parmi les édifices religieux, citons encore la synagogue, place Primo Levi et le temple vaudois inauguré en 1853.